Sembène Ousmane-Association Sembène Ousmane

Sembène Ousmane

(Ziguinchor, le 8 janvier 1923 – Dakar, le 9 juin 2007)
 

Originaire d’une famille lébou du Cap-Vert, Ousmane Sembène naît en Casamance, cette région verdoyante et rebelle du Sénégal méridional qu’il décrira dans le roman Ô Pays, mon beau peuple ! (1957). Très jeune, il est renvoyé de l’école : c’est alors son oncle qui prend en charge son éducation et lui transmet le goût de la lecture. En 1938, il arrive dans le « quartier indigène » de Dakar, découvre une ville marquée par la division des classes et des races, et travaille d’abord comme mécanicien, puis comme maçon. En 1944, il s’engage dans l’armée coloniale contre l’Allemagne nazie : en dépit des idéaux démocratiques, les tirailleurs continuent à subir d’innombrables injustices et violences qu’il dénoncera, plus tard, dans les films Émitaï (1971) et Camp de Thiaroye (1987).

En 1946, il s’embarque pour Marseille en resquilleur et est embauché comme docker. De plus en plus sensible à la condition des ouvriers, il adhère à la CGT et au PCF : il emprunte les livres des bibliothèques des syndicats et participe à leurs soirées de formation. Ainsi, il commence à s’interroger sur l’état de la littérature africaine, sans rejoindre les thèses de la Négritude, qu’il juge stériles : d’inspiration autobiographique, son premier roman, Le Docker noir (1956), décrit les difficultés des travailleurs immigrés, alors que Les Bouts de bois de Dieu (1960) raconte la grève des cheminots de la ligne Dakar-Niger de 1947. Aussi choisit-il le nom de plume « Sembène OSMANE » pour dénoncer l’idéologie coloniale, qui l’avait « mis à l’envers ».

Immédiatement après l’Indépendance, en 1960, il retourne au Sénégal, renonce à la nationalité française et démissionne du PCF ainsi que de toute organisation syndicale : dès lors, il ne militera qu’à travers ses œuvres. Mais il prend conscience des limites de la littérature, l’analphabétisme sévissant dans le continent africain : il s’oriente alors vers le cinéma et se rend à Moscou entre 1961 et 1962 pour être formé au métier par les cinéastes soviétiques Serguei Guerassimov et Marc Donskoï. De retour au Sénégal, il commence à tourner des courts-métrages et devient un véritable pionnier du cinéma africain : La Noire de... (1966) sera le premier long-métrage réalisé par un cinéaste subsaharien, alors que Manda bi (1968) sera le premier film joué dans une langue africaine.

Sembène mène donc une double carrière d’écrivain et cinéaste. Son œuvre est marquée par un profond engagement et par un regard attentif porté sur les transformations de la société africaine contemporaine : il dénonce la corruption des politiciens (Le Dernier de l’Empire) et l’avidité de la nouvelle bourgeoisie sénégalaise (Xala), analyse le phénomène de l’urbanisation massive (Niiwam et Taaw) et se bat pour les droits de la femme et de l’enfance (Guelwaar, Faat Kiné et Moolaadé). Par ses œuvres, il veille également à inscrire une mémoire historique panafricaine : outre les événements militaires et la grève de 1947, Sembène rappelle la montée agressive de l’Islam au XVIIe siècle (Ceddo) et nourrit, jusqu’à sa mort, le désir de réaliser un film sur Samory Touré, un symbole de résistance contre la colonisation.

« Aîné des Anciens », classique incontestable de la littérature et du cinéma africains, Sembène Ousmane est l’auteur d’une œuvre immense en vertu de sa force et de son hétérogénéité, qui a su parler à son époque et continue de parler aux nouvelles générations.
 

Bibliographie

 

Le Docker noir, Paris, Debresse (désormais chez Présence Africaine), 1956

Ô Pays, mon beau peuple !, Paris, Amiot-Dumont (désormais chez Presses Pocket), 1957

Les Bouts de bois de Dieu, Paris, Le Livre  contemporain, (désormais chez Presses Pocket), 1960

Voltaïque suivi de La Noire de..., Paris, Présence Africaine, 1961

L’Harmattan, Paris, Présence Africaine, 1964

Le Mandat (1964) précédé de Véhi-Ciosane (ou Blanche-Genèse), Paris, Présence Africaine, 1966

Xala, Paris, Présence Africaine, 1973

Le Dernier de l’Empire, 2 volumes, Paris, L’Harmattan, 1981

Guelwaar, Paris, Présence Africaine, 1982

Niiwam (1977) suivi de Taaw, Paris, Présence Africaine, 1987


Filmographie

 

L’Empire songhay, Sénégal, 1962 (CM, documentaire)

Borom Sarret (Le Charretier), Sénégal, 1963 (CM, fiction)

Niaye, Sénégal, 1964 (CM, fiction)

La Noire de..., Sénégal,1966 (LM, fiction)

Manda bi (Le Mandat), France-Sénégal, 1968 (LM, fiction)

Albourah, Sénégal, 1969 (CM, fiction)

Traumatisme de la femme face à la polygamie (ou Polygamie), Sénégal-Suisse, 1969 (CM, documentaire)

Les Dérives du chômage (ou Problème de l’emploi), Sénégal-France, 1969 (CM, documentaire)

Taaw, Sénégal-USA, 1970 (CM, fiction)

Emitaï, France-Sénégal, 1971 (LM, fiction)

Jeux Olympiques de Munich : partie africaine, Sénégal, 1972 (CM, documentaire)

Xala, Sénégal, 1974 (LM, fiction)

Ceddo, Sénégal, 1977 (LM, fiction)

Camp de Thiaroye, coréalisé avec Thierno Faty Sow, Algérie-Sénégal-Tunisie, 1987 (LM, fiction)
Guelwaar, France- Sénégal, 1992 (LM, fiction)
Faat Kiné, Sénégal, 2000 (LM, fiction)
Moolaadé, Cameroun-France-Maroc-Sénégal-Tunisie, 2003 (LM, fiction)